En finir avec les anachronismes

Rien n’est plus faux qu'un raisonnement construit d'assertions modernes pour justifier des réponses sur des faits produits par le passé. Pourquoi les faire porter sur les générations actives ou sur des personnes vivantes ?

Qu'il s'agisse du déboulonnage des statues, de relents anti-allemands, des querelles de clochers ou de vengeance anti-croisade ; rien n'est plus faux qu'estimer qu'un individu qui se reconnaît soit dans l'origine, soit dans la culture qu'il hérite est le coupable de son semblable d'hier : par ce qu’il y a absence de lien entre le mort et le vivant.

Les reporter sur les "semblables" au motif de leur couleur, nationalité, genre, appartenance qui au fond n'ont rien de semblable ; cela n’aurait du sens que si l’on pouvait vivre deux vies à deux époques différentes et pouvoir alors les comparer pour en juger avec objectivité. On verse alors dans l’irréel.

Rien ne justifie de réponse actuelle, même philosophique et encore moins armes en mains aux actes d'hier, devant impérieusement être replacés dans leur contexte.

"untel est chrétien, il est donc coupable des croisades" Et coure le risque de se faire tuer pour ses convictions religieuses ?;

"untel est fier de l’histoire de France" donc il est soupçonné de complicité avec les colonialistes et de la vindicte « anti-raciste » qui l’accompagne;

"untel est un Homme affirmé et fier" alors il participerait d’un patriarcat et insidieusement aux violences conjugales ;

...et ainsi de suite.

Fort heureusement "untel est allemand alors c'est un nazi" a été relativement et à juste titre déconstruit. Preuve que ce juste effort intellectuel est possible.

Plus concrètement, pourquoi un individu sans lien d’existence ni de filiation peut-il être désigné responsable alors que nous ne sommes pas nous-mêmes responsables de nos contemporains directs y compris dans une famille de sang ?

Objectivement, rien, strictement rien, rien sauf la perpétuation de ressentiments de recherche de coupables. Un banc seing à toutes formes de vengeance, obligeant la repentance à des générations qui n'ont rien demandé, justifiant tous les actes les plus vils motivés avec ces sentiments "purs" et pernicieux ;  au-fond accentuant les fractures identitaires.

Aller chercher les responsables eux-mêmes, si reconnus comme tels par les biais et sophismes historiquement douteux et permet à certains de profaner des tombes mais on ne peut se venger sur un mort puisque précisément il l’est. Alors on s’attaque aux symboles, aux écrits, aux statues, aux mémoires et aux contemporains autodésignés coupables d’affiliation passive, complices du passé que certains voudraient juger avec leur vision et héritage du présent.

Les faits et les responsables appartiennent à leur époque.

Il remet aussi en question indirectement la question plus sensible d’appartenance à ses origines dont chacun peut être fier, s'il n'était parfois question de son adhésion dans la Nation.

C'est pourquoi le lien de la République sous ses formes actuelles, indispensable, ne peut être calqué sur les us et coutumes de l'Ancien Régime par exemple. Ou bien il faut considérer que le temps et l'histoire n'existent pas, penser que sous Richelieu l’appli "stop-peste" (pourquoi pas ?!!) sauverait les masses. Ridicule.

Comme il est confortable de penser avec ses acquis actuels et de vouloir les calquer aux pensées d’hier…

C'est ce même raisonnement qui est dénoncé et appliqué par les défenseurs et néo justiciers modernes en quête de récriture d’Histoire sur fond victimaire de leur propre histoire qui n’en a rien.

C'est sur ce poison fallacieux que perdurent les haines et rancœurs qui justifient pour certains les actes les plus atroces.

Ce qui est aujourd'hui doit le rester et s'apprécier avec discernement et recul, l'Histoire ne peut être récrite, le futur s'écrit au présent.

Mettre fin aux anachronismes permet de tourner la page de l’Histoire aussi imparfaite qu’elle soit pour converger dans une paix durable d’un présent marqué par les divisions et les recherches de bouc-émissaires contemporains innocents.